Michèle FREUD
Psychothérapeute, Praticienne en EMDR et en thérapies brèves

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J'AI LA MEMOIRE QUI FLANCHE, J'ME SOUVIENS PLUS TRES BIEN... *

« La mémoire est nécessaire à toutes les opérations de l’esprit » déclarait Pascal. Les Anciens déjà, reconnaissaient ses valeurs. Pour la personnifier, la mythologie grecque avait même élu sa propre déesse, Mnémosyne.
Régissant l’essentiel de nos activités, la mémoire est l’une des fonctions les plus importantes de notre cerveau ; elle est à la source de notre évolution, de notre identité, de nos connaissances et de nos émotions.
Constituée de structures tant physiques que psychiques, elle stocke les souvenirs dans des réseaux de neurones connectés les uns aux autres et traite les informations par des systèmes fonctionnant en relation permanente.
Objet constant d’expérimentation, la mémoire captive aujourd’hui les scientifiques à la recherche de nouvelles molécules censées la stimuler. Elle préoccupe aussi tous ceux qui craignent de la perdre.

Les mémoires

Il existe en fait plusieurs mémoires :

• La mémoire sensorielle qui capte les informations que nous percevons du monde extérieur et les restitue à travers nos cinq sens. Très brève, elle correspond au temps de perception d’un stimulus par nos organes sensoriels. C’est la combinaison de ces perceptions qui permet l’identification de l’information. Notre vie intime est particulièrement marquée par cette mémoire et chacun de nos sens possède sa propre histoire. Nos goûts, nos préférences, sont le produit de notre histoire personnelle et constituent notre mode de relation avec le monde extérieur.

• La mémoire à court terme, appelée encore mémoire immédiate, est en permanence sollicitée. Nous l’utilisons le plus souvent dans notre vie quotidienne. C’est celle qui permet de retenir une information, de fournir dans l’instant une précision sur un visage, un numéro de téléphone, une adresse, un cours à mémoriser. Son objectif n’est pas de stocker à long terme, elle ne possède d’ailleurs qu’une très faible capacité, et sa durée de vie est très courte. Il arrive que nous soyons victimes d’oublis pour des actes du quotidien. Cette défaillance n’est pas forcément le signe d’une mauvaise mémoire. Toutes les statistiques le confirment : au-delà de sept données communiquées, nous entrons dans une grande confusion. Aussi, face à la masse d’informations reçues, il n’est pas surprenant que nous ne puissions tout emmagasiner !

• La mémoire à moyen ou long terme elle, stocke les informations durant une période plus étendue, voire même durant toute la vie, contrairement aux précédentes qui les effacent après leur traitement. Les chances de retrouver un souvenir sur le long terme dépendent tant de la façon dont nous l’avons étiqueté et classé que de sa charge émotionnelle. La mémoire à long terme possède de prodigieuses facultés de conservation, sa capacité est considérable. Aussi faut-il la stimuler et l’exercer quotidiennement pour éviter qu’elle ne s’altère avec l’âge.

Visuel, auditif, kinesthésique … Quelle mémoire utilisez-vous ?

La mémoire visuelle
80 % des informations qui s’imposent à nous au cours d’une journée nous parviennent grâce à la vue. Nos yeux enregistrent une foule de renseignements qu’ils communiquent au cerveau. Cette stimulation permanente par l’image provoque une intense activité cérébrale.

La mémoire auditive
Elle conditionne la reconnaissance, la différenciation des sons, des paroles. Les sons captés sont interprétés par le cerveau en fonction de notre propre vécu. Cette mémoire joue un rôle capital dans la création musicale.

La mémoire tactile
C’est celle qui fait intervenir le toucher, le kinesthésique. Deux facteurs entrent en jeu : la température et les vibrations dues au déplacement de la peau agissant comme un capteur sensible.

La mémoire olfactive
Elle serait la plus profondément ancrée. L’odorat est en effet le système sensoriel le plus ancien et le plus primitif. Son accès au cerveau est le plus direct et le plus court (vers le paléo cortex via le bulbe olfactif). Elle fonctionnerait différemment en enregistrant avec l’odeur, le contexte sensoriel et émotionnel.

La mémoire est le thème central de recherche de Marcel Proust. Dans son ouvrage, A la recherche du temps perdu, il évoque le goût des fameuses madeleines qui, trempées dans son thé, le plongeaient dans des évocations fortuites de son enfance.

La mémoire gustative est associée à la prise de nourriture. C’est celle qui nous connecte au goût, elle nous permet d’apprécier la saveur d’un aliment, sa texture, de repérer s’il est sucré, salé, acide ou amer. Depuis Brillat-Savarin, notre connaissance de la physiologie du goût a progressé, l’éveil du goût fait d’ailleurs partie du programme des classes d’écoles primaires où l’on apprend aux enfants à éveiller leurs papilles gustatives.

Nous utilisons tous nos sens avec une prédilection pour la vue, l’ouïe et les sensations corporelles (kinesthésiques).

Pour savoir quel type de mémoire vous favorisez, faites le test suivant : rappelez-vous votre réveil ce matin.

– Voyez-vous en priorité le réveil matin ou votre chambre ?
– Entendez-vous d’abord sonner le réveil ?
– Ou ressentez-vous en premier la chaleur du lit ?
– Ou encore, est-ce l’odeur du café programmé la veille qui vous interpelle de suite ?

Dans le premier cas, vous êtes visuel ; dans le second, votre mémoire est plutôt auditive ; dans la troisième hypothèse, vous êtes probablement kinesthésique. Si vous répondez affirmativement à la dernière question, sans doute, privilégiez-vous votre mémoire olfactive. Cette mémoire olfactive est souvent utilisée avec les personnes âgées atteintes de traumatisme pour la restitution de fragments de mémoire. Elle est également sollicitée par les malvoyants et dans la maladie d'Alzheimer.

Nous avons tendance à privilégier l’un ou l’autre sens dans notre faculté de représentation, de réflexion et d’expression. Il est possible d' apprendre à développer nos perceptions en expérimentant de nouvelles perceptions à travers les exercices sur les cinq sens proposés en sophrologie.

Grâce à l’hippocampe…

Le passage de la mémoire à court terme à celle à long terme s’effectue par l’intermédiaire de l’hippocampe, partie du cortex située dans le repli interne du lobe temporal. Toutes les informations décodées dans les différentes aires sensorielles du cortex convergent vers l’hippocampe. Situé au cœur du cerveau, il assure la mise en relation des informations stockées dans les différentes zones cérébrales.

Sur le plan chimique, les neurones communiquent entre eux par le biais de molécules appelées neurotransmetteurs ou neuromédiateurs. Dans le cas de la mémoire, ce neurotransmetteur (l'acétylcholine), dont le déficit serait à l’origine de troubles mnésiques, et l’une des causes de la maladie d’Alzheimer. Si les mémoires sensorielle et à court terme disposent de capacités limitées dans le traitement de l’information, la mémoire à long terme, en revanche, possède de grandes facultés de conservation.

Nous avons tous plus ou moins été trahis un jour par une défaillance de notre mémoire. Fatigue, manque d’intérêt, distraction, anxiété, surmenage, épisode dépressif, choc émotionnel, sont autant de causes susceptibles de générer un défaut de concentration, d’énergie ou de motivation. La majorité de ces difficultés, comme par exemple, perdre ses clés ou ses lunettes, relève de cette mémoire courte. En réalité, pour ces actes du quotidien, nous utilisons la mémoire immédiate, celle « structurée pour oublier ». En ce sens, l’oubli serait, dans ce cas, un fonctionnement normal de la mémoire courte et non une dégradation. Sauf qu’il arrive qu’on se trompe de mémoire ! Marine entre dans la cuisine d’un pas décidé et ne sait plus ce qu’elle est venue y chercher. Comme elle a agi dans la précipitation, elle n’a fonctionné qu’en mémoire immédiate, aussi, le processus de mémorisation n’a t-il pu être mis en route pour être stocké dans la mémoire à moyen ou long terme.

Ce type de désagrément peut disparaître. Il nous suffit de porter un peu plus d’attention aux actes que nous effectuons machinalement, de les réaliser dans la pleine conscience du geste et d’attribuer une place à chaque chose.

 J’ai la mémoire qui flanche…

À partir de la cinquantaine, nombre de personnes se plaignent de la baisse de leurs capacités intellectuelles en faisant état de leurs oublis fréquents, affirmant que ces désagréments augmentent au fil des années.
À 87 ans, Joséphine épluche quotidiennement son journal pour se tenir informée. Elle aime commenter l’actualité à son fils avec lequel elle communique régulièrement. Sa mémoire est intacte.
Benoîte Groult, la romancière, a publié un ouvrage à 86 ans. Elle en assure la promotion avec verve en relatant ses agréables souvenirs.
« L’âge en lui-même n’implique pas une altération de la mémoire » affirme Hervé Allain, professeur de neuropharmacologie à l’Université de Rennes, allégation qui devrait remettre en cause l’idée reçue et admise que la mémoire diminue avec l’âge.

Au moment de régler ses achats, Éléonore ne se souvient plus de son code bancaire ; quelques jours plus tard, c’est le trou, impossible de se remémorer le numéro de téléphone de sa fille, puis le lendemain, au supermarché, elle oublie ce qu’elle doit acheter. Inquiète, elle prend rendez-vous chez un neurologue pour s’assurer qu’elle n’est pas atteinte d’une maladie cérébrale dégénérative.

Nombreux sont ceux qui, comme Éléonore, consultent, anxieux, le cœur battant, face à leurs oublis récurrents en redoutant le pire des diagnostics.

Souvent, la plainte mnésique renvoie à la peur de la maladie d’Alzheimer. Cette plainte résiste rarement à l’analyse scientifique. Lorsqu’on tente de mesurer l’ampleur du trouble, on constate que la plupart des candidats obtiennent d’excellentes performances aux tests médicaux.

La maladie d’Alzheimer touche à peine 1% des personnes de 60 ans et seulement 5 % des plus de 65 ans, alors que les troubles de la mémoire concernent plus de la moitié des plus de 60 ans.
Il importe donc de décoder ce qui se cache derrière l’origine de la plainte car l’on détecte souvent des difficultés d’origine psychologique (anxiété, stress, solitude, dépression, mélancolie) ou, encore, dans quelques cas, une lésion liée à un accident vasculaire, à un traumatisme crânien, etc.).

Aussi, mieux vaut interroger un spécialiste, dès l’apparition de troubles de mémoire, surtout s’ils deviennent trop invalidants. Cette démarche permettra de se rassurer sur l’origine et la nature des oublis et de définir le type de déficit afin d’adopter une stratégie adéquate.
Plus qu’un symptôme du vieillissement, « la mémoire qui flanche » est souvent le résultat d’un manque de stimulation intellectuelle ; arrêt de l’activité professionnelle, isolement, absence de projets positifs....

Pour continuer à fonctionner, la mémoire a besoin d’être constamment sollicitée. En perpétuelle mutation, elle est capable de modifier son fonctionnement à partir du moment où elle est stimulée par l’apprentissage, aussi importe t-il de vivifier l’envie de se souvenir et de communiquer.

Pour cultiver votre mémoire

La plupart du temps, nous ne manquons pas de mémoire, mais d’une bonne méthode pour mémoriser. Voici quelques astuces :

• Apprenez tout d’abord à découvrir le type de mémoire que vous utilisez le plus souvent et qui vous réussit le mieux afin de l’améliorer. Si, pour retenir un texte, il vous faut le lire, votre mémoire est visuelle, si vous avez besoin de l’entendre ou le réciter à haute voix pour l’enregistrer, votre mémoire est plutôt auditive, si vous préférez l’écrire, sans doute êtes-vous kinesthésique (voir encadré p. 000). En réalité, ces trois mémoires existent et cohabitent à des degrés différents, à vous de savoir privilégier et utiliser votre canal préférentiel : lire, écrire, regarder.

• L’une des meilleures méthodes pour exercer sa mémoire et apprendre à la préserver est la lecture. Elle met en jeu l’attention, la perception visuelle, la reconnaissance, la construction d’images mentales et l’organisation des informations, toutes ces perceptions qui façonnent notre mémoire.

• Entraînez-vous régulièrement à apprendre des phrases, des citations par cœur. Lisez par exemple un article de presse, puis essayez, journal fermé, de vous remémorer en résumé, le texte que vous venez de parcourir. Promettez-vous ensuite d’en parler à un tiers, c’est un moyen supplémentaire de communiquer un peu plus d’énergie à ce souvenir que vous vous êtes constitué.

• Pour entretenir la vivacité et la concentration de votre cerveau, faites des mots croisés, jouez au scrabble, au sudoku, à des jeux de logique, de stratégie, procédez à des associations, comme, par exemple, numéro de téléphone et image visuelle de la personne, ou encore mémoriser les différentes annonces d’un bulletin d’information de votre magazine d'info préférée.

• Affinez vos capacités d’observation, examinez les choses dans leur moindre détail et faites l’effort de vous en souvenir. Amusez-vous à mettre des noms sur des visages d’acteurs ou de personnalités politiques.

• Mettez en éveil vos cinq sens (regarder, écouter, toucher, sentir, goûter...). Les stimulations visuelles, auditives, gustatives et olfactives activent le processus de mémorisation. Dans des ateliers sur la mémoire, un exercice consiste à reconnaître, les yeux bandés, un certain nombre d’épices en humant leur parfum. Vous aussi, entraînez-vous par exemple à découvrir des saveurs, des odeurs, notamment lorsque vous goûtez un mets, cherchez à identifier les ingrédients qui le composent.

• Ayez une alimentation équilibrée. La prévention passe par une alimentation variée où l’organisme saura puiser ses besoins. Comme pour notre corps, le contenu de notre assiette influence les performances de notre mémoire. Privilégiez les aliments protidiques, notamment les œufs (biologiques), les poissons comme le saumon, le thon, la sardine, le hareng, le cabillaud, le maquereau et la truite. Leur carence est préjudiciable au développement et au maintien des cellules nerveuses. Introduisez les aliments comprenant certaines vitamines, comme la vitamine B1 (céréales complètes, germes de blé, jaune d’œuf, lait, noisettes, ananas), la vitamine B6 (viande, épinards, haricots, asperges, endives, carottes, fenouil, fraises, framboises, avocat, etc.), la vitamine C ( agrumes, kiwis, persil, cresson, épinards, cassis, etc.) et la vitamine E (lait, beurre, œufs, huiles végétales (colza, tournesol et olives, noix, abricots secs, etc.).

• Limitez votre consommation de café, thé et alcool. Avec le temps, ils altèrent les facultés de mémorisation. Il en va de même pour le tabac qui est un facteur d’insuffisance respiratoire, donc de mauvaise oxygénation du sang et du cerveau.

• Veillez à avoir un sommeil suffisant. Le sommeil a un effet particulièrement bénéfique sur la rétention des informations acquises la veille.

• Bougez, respirez et pratiquez des exercices oxygénants. L'activité physique améliore le bien-être psychologique, favorise l’oxygénation, lutte contre le stress. Il est, en ce sens, tout à fait bénéfique à l’activité cognitive. On sait que le manque d’oxygénation des cellules peut provoquer des troubles de la mémoire. Pour fonctionner normalement, le cerveau a essentiellement besoin de glucose et d’oxygène.

• Faites-vous plaisir. Lorsqu’on se consacre à une activité agréable, on stimule la production de l’hormone du bien-être, la dopamine qui a un effet neurologique positif sur la mémoire.

• Continuez à vous instruire, Des études récentes ont démontré qu’une activité intellectuelle soutenue élevait notre niveau de mémoire. Songez à cultiver votre jardin dans le sens préconisé par Voltaire. Étudiez par exemple trois mots nouveaux par jour, consignez leur sens dans un carnet.

Pour entraîner votre mémoire, sélectionnez des exercices que vous prenez plaisir à pratiquer."On ne fait bien que ce que l’on aime" ! Adage cher à Colette, l'écrivain.

 

 

*par Michèle Freud, psychothérapeute et auteure.
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