Michèle FREUD
Psychothérapeute, Praticienne en EMDR et en thérapies brèves

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RENAITRE AU DESIR


« C'est toujours la première fois quand ta robe en passant me touche »
Louis Aragon à Elsa

Notre époque vante le règne de la jouissance extrême. Les pratiques sexuelles hier considérées comme hors normes, s'exposent aujourd'hui au grand jour ; les clubs spécialisés ont pignon sur rue, les « sex toys » et autres gadgets érotiques agrémentent le quotidien de certains et s'étalent même dans des vitrines chics de St Germain, même nos boîtes e-mails sont saturées de messages intempestifs à caractère sexuel. Cette surexposition avec l'obligation impérative d'assurer un parcours de plus en plus compétitif est forcément génératrice d'angoisse car entre le discours médiatique et notre vie sexuelle, il y a souvent un grand décalage. C'est précisément cette escalade de la jouissance qui empêche la relation sexuelle de s'épanouir pleinement. Quand le mental est aux commandes, il bride le corps et les émotions.

Aussi, de plus en plus d'hommes et de femmes de tous âges confient leur inquiétude et leurs problèmes en consultation. Des aveux d'incompréhension ou d'impuissance sont fréquents : certains, à la jouissance rare et laborieuse, déplorent leur absence de libido, d'autres font état de leur pénurie sexuelle, d'autres encore, en dévoilant une liaison secrète, évoquent leur plaisir entravé par la culpabilité. Les femmes se plaignent d'absence de désirs, de frigidité, de vaginisme, d'anorgasmie, de douleurs, signant souvent le refus d'une relation où l'on se sent mal aimée, incomprise, non reconnue. Les hommes eux, évoquent le stress, les soucis ou les conflits conjugaux, autant de facteurs responsables de leurs érections instables. Il est vrai que les tracas quotidiens sont de nature à démobiliser l'appétit sexuel ; lorsqu'on est acculé à partager le quotidien routinier avec son lot de soucis, le désir a quelques difficultés à se frayer une place.

Trop souvent le silence, la gêne, l'incompréhension, les frustrations s'accumulent et freinent nos élans. Méconnaissance de son corps, et de celui de l'autre, mésentente conjugale, traumatisme ancien, honte, les blocages affectifs et psychologiques sont légion. Si certains se résignent à voir déserter le désir, d'autres décident de réagir.. Il suffit quelquefois de se poser pour prendre le temps de la réflexion, sur soi, sur son couple et sortir à tout prix de la quête de la performance en libérant ses émotions. Parfois, une simple information ou quelques entretiens permettent de dénouer le problème.

Hommes et femmes, des désirs différents

Fragile et complexe, le désir se décline en une variété de nuances. C'est précisément parce que leurs corps et leurs jouissances ne sont pas identiques que l'homme et la femme éprouvent quelques difficultés à accorder l'acte sexuel, mais c'est aussi à cause de leurs différences que l'un et l'autre s'attisent.
« Les hommes ont besoin de faire l'amour pour se sentir bien alors que les femmes ont besoin de se sentir bien pour faire l'amour. » écrit Sylvain Mimoun*, c'est dire combien est subtile l'alchimie entre les deux sexes. Le couple est une combinaison de désirs et de manières d'aimer. Sans conscience de ce qui se joue dans la relation, à savoir la différence avec l'autre, on se condamne à répéter éternellement le même scénario sans faire évoluer son désir et son plaisir.

Si l'orgasme est une réponse physiologique à une série de stimuli, la jouissance, elle, est un état qui nécessite disponibilité, capacité d'abandon de soi et confiance absolue en l'autre.
Pour une femme, l'orgasme est complexe. Elle a besoin d'intimité émotionnelle, de tendresse, de préliminaires ; elle se donne entièrement et doit, pour cela, se sentir prête aussi bien mentalement que physiologiquement. Chez l'homme, l'érection est suffisante pour qu'il y ait un rapport sexuel, il est capable de cliver amour et désir. Pour lui, l'excitation due à un contexte sans stress où il peut se lâcher est une condition essentielle de confort mais aussi d'intensité de plaisir.
L'éveil sexuel masculin passe par la vue : un décolleté, des formes voluptueuses, une jupe moulante, vont attiser le désir. L'éveil de la sexualité féminine naît plutôt par l'ouie et le toucher. Une femme a besoin de se sentir personnellement convoitée pour désirer. Les uns sont sensuels, les autres cérébrales, quelques-uns aiment les mots crus, d'autres affectionnent plutôt des paroles tendres, l'intimité trouvée dans la parole leur procure une intensité de plaisir. Cette asymétrie est justement ce qui constitue la richesse des rapports amoureux.
Mais entre les désirs de l'un et les attentes de l'autre, le couple a parfois du mal à trouver un terrain d'entente harmonieux.

Désir sous influence

Sur le plan biologique, l'excitation sexuelle est un mécanisme complexe orchestré par notre cerveau, notre principal organe sexuel. Le cerveau contrôle en effet la sécrétion de diverses hormones, ainsi la testostérone qui attise le désir : c'est une hormone mâle, mais la femme en produit également, en moindre quantité. Côté féminin, les oestrogènes permettent notamment de rendre sensibles les zones génitales, tandis que la progestérone a un effet de détente.
Il peut y avoir aussi entre les individus une incompatibilité de peau, d'odeur, de physique, ou au contraire, une puissante attirance, il y a des corps que l'on aime, ceux qu'on a l'impression de connaître depuis toujours, il semblerait que ce soit sous l'action des « phéromones » (les hormones olfactives que l'on trouve dans la transpiration, la peau etc..)que l'on serait attiré par telle ou telle personne, qui agissent comme un agent secret, et perçues par l'autre au niveau conscient. Les phéromones seraient de nature à accroître le pouvoir érotique et sexuel de chacun.

Retrouver le chemin du désir

Nous rêvons tous d'un éternel désir, celui qui résiste à l'érosion du temps, au quotidien routinier. À trop bien se connaître, on a l'impression qu'on n'a plus rien à découvrir, alors quand l'envie vacille, nombreux sont les couples désabusés, à regarder s'éteindre la flamme sans réagir. Certains se quittent, partent, aiment ailleurs ! Pourtant, le désir peut renaître de ses cendres, si l'on s'en donne vraiment les moyens : « On a vu souvent, rejaillir le feu, d'un ancien volcan qu'on croyait trop vieux.. » chantait si bien Jacques Brel.
Comment enrichir sa relation à l'autre, accepter de se dévoiler, se lâcher ? Pour ré enchanter notre quotidien, il nous faut apprendre à prendre soin de la relation dans toutes ses dimensions, développer une culture érotique et retrouver le goût du jeu et des préliminaires, la principale recette étant d'utiliser tous les moyens pour replacer le sexe au centre de la relation.

La jouissance exige un climat particulier. Lorsque sensualité, imaginaire érotique et affects sont réunis, le plaisir peut devenir une expérience qui dépasse largement les limites corporelles. Cette plénitude dans la jouissance confère à la relation une autre dimension. S'il est vrai que la sexualité est avant tout l'expression la plus intime et la plus singulière du parcours psychoaffectif d'une personne, le couple est un lieu d'évolution permanente où nous ne sommes pas forcément condamnés à reproduire les mêmes schémas.

Il n'est jamais trop tard pour se laisser aller à des élans plus audacieux et acquérir, quel que soit l'âge, un nouveau savoir faire amoureux, encore faut-il vouloir se débarrasser de ses tabous et démanteler ses automatismes inconscients hérités d'une enfance ou d'une ancienne histoire d'amour.
Créer un climat érotique dans la durée passe par le sensuel, mais aussi par l'attention à notre partenaire au quotidien, par tout ce qui le rend attirant à nos yeux et vivant dans la relation. C'est de là que naît le désir.
Dans cet échange intime à l'alchimie mouvante et complexe, un geste, un mot ou un regard ont le pouvoir de relancer le désir. « J'avais coutume de faire l'amour sans parler jusqu'au jour où j'ai eu une aventure avec un homme qui me susurrait des mots à l'oreille, pendant qu'il me caressait ; cela a déclenché en moi une vraie montée de désirs. J'ai introduit la parole dans nos échanges avec mon compagnon, et je me suis rendue compte qu'il appréciait aussi. Depuis, notre sexualité est différente » confie Laurence.

Souvent nous nous cantonnons dans une routine, de peur d'oser. La monotonie des gestes, des actes répétitifs risque à la longue d'affaiblir notre appétit On se laisse alors envahir par une sorte de torpeur sexuelle en répétant invariablement les mêmes gammes alors qu'il suffirait d'un peu d'inventivité pour découvrir des partitions originales. Un peu d'audace semble essentiel pour explorer de nouvelles intensités sexuelles Eros se nourrit de liberté ; explorer l'amour physique exige de pouvoir s'abandonner ! Le désir se réveille grâce à des stratégies qui créent l'intimité mais il nous faut pour cela ménager des plages d'inconnu pour le réveiller, créer la surprise d'un dîner et d'une soirée à deux ou une escapade sans les enfants et sans les soucis, le temps d'un week-end. De nouveaux gestes, un rythme différent, un changement de cadre, des situations insolites, une ambiance inhabituelle servent de révélateurs à des ardeurs nouvelles.

Oubli de soi, spontanéité, rapport au temps totalement différents de la réalité ordinaire, autant de paramètres pour raviver le plaisir. Le désir sexuel est le feu de notre pulsion de vie, il se cultive, se nourrit, s'enrichit chaque jour, à condition de savoir en parler et oser lâcher nos vieilles peurs, risquer l'improvisation avec l'autre, même si on prétend en avoir fait le tour depuis longtemps et prendre le temps de se questionner mutuellement sur ses attentes respectives.

Le vrai défi du couple c'est de varier les registres, de s'accorder la liberté et l'envie de découvrir de nouvelles manières de différer ou prolonger le plaisir. Quelques connaissances, une bonne communication entre les partenaires, de la pratique contribueront à une satisfaction réciproque, car ce qui alimente le désir sexuel, c'est en priorité l'envie de continuer à partager quelque chose ensemble.

*Par Michèle Freud, psychothérapeute, s directrice de Michèle Freud Formations
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