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VOULOIR MINCIR |
Les baigneuses opulentes de Renoir symbolisaient, à leur époque, l'essence même de la féminité. Cependant, avec le temps, cette image a évolué. La Vénus de Milo, jadis considérée comme l'archétype de la beauté universelle, suscite aujourd'hui plutôt un sourire ironique.
Depuis les années 60, une nouvelle obsession a émergé : celle de la minceur. Prisonniers d'une image idéale, nous sommes souvent prêts à infliger à nos corps les pires tyrannies pour ressembler aux silhouettes des magazines, soumis aux diktats d'une mode impitoyable. Mincir est devenu une préoccupation partagée à l'échelle mondiale. La norme valorise la femme active, sportive, symbole d'émancipation. De leur côté, les hommes s'inquiètent de plus en plus de leur apparence, aspirant à un corps mince, musclé et hâlé, synonyme de réussite sociale et de séduction.
Les publicités véhiculent l'image d'un cadre dynamique, tonique et… mince.
Dans notre société, le surpoids est souvent stigmatisé. Être en surpoids, c'est s'exposer au jugement, au mépris et au rejet. Les magazines affichent des mannequins longilignes, tandis que les médias glorifient le corps svelte, symbole d'un bien-être idéal. Sous cette pression extérieure, nous nous laissons entraîner dans des régimes amaigrissants souvent déséquilibrés, testant des remèdes miracles au prix de sacrifices excessifs. Or, ces privations sont non seulement frustrantes, mais également néfastes pour notre santé. Ne pouvant maintenir une restriction constante, nous perdons le contrôle et sombrons dans une alimentation anarchique, alternant entre régimes stricts et périodes de boulimie, oscillant ainsi entre le meilleur et le pire. Les kilos reviennent, comme si notre corps se vengeait d'avoir été privé.
Notre rapport à l'alimentation est ambivalent. Ce lien avec la nourriture est chargé d'émotions, souvent lié à des expériences précoces ancrées dans notre mémoire corporelle et notre inconscient. Dès notre naissance, la prise alimentaire nous fait vivre des expériences émotionnelles qui influencent notre schéma alimentaire. Le bébé, attiré par le plaisir du goût du lait sucré, ressent un bien-être physique, enveloppé dans les bras de sa mère. Ces instants sont gravés dans notre mémoire, et la consommation d'aliments savoureux est souvent associée à cette expérience de réconfort.
« Ma seule histoire d’amour est celle que j’entretiens avec la nourriture » dira S., boulimique. Manger est pour elle est bien plus qu’un acte de subsistance ; c'est un moyen de se rassurer, de se consoler, de se récompenser, de combler un vide.
Mincir est une quête personnelle qui engage notre corps et l'image que nous avons de nous-mêmes. Il existe souvent un décalage immense entre notre corps réel et celui que nous désirons. L'image corporelle est singulière et imprégnée de notre passé, de nos expériences et de nos acquis. Notre corps se modèle au gré des pratiques liées à notre histoire familiale, et notre perception de nous-mêmes est façonnée par l'amour et la valorisation reçus durant notre enfance.
Le passé est ce qu’il est, nous ne pouvons le changer mais nous avons le pouvoir de transformer notre vision de celui-ci et de nous-mêmes.
Notre corps réclame écoute et respect. Il nous faut tenir compte de ses besoins, mais aussi des désirs de notre psychisme pour être en accord avec notre être dans sa globalité.
Et si nous renoncions à des objectifs irréalistes pour prendre conscience de nos véritables besoins, en apprenant à les satisfaire autrement qu'à travers la nourriture ?
Reconnaître les origines de notre rapport à la nourriture et comprendre pourquoi nous cherchons refuge dans l'alimentation est le premier pas vers une véritable prise de conscience. S'accepter avec nos imperfections, écouter nos désirs authentiques et réhabiliter le plaisir dans notre quotidien sont les clés indispensables pour réussir. Acceptons de vivre les changements que nous avons choisis avec
Par Michèle Freud, psychothérapeute, directrice de Michèle Freud Formations et auteur
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